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5 questions à Jean-Léonce Dupont

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Jean-Léonce DUPONT © Thierry Houyel

Après trois ans d’actions, le Président du Département du Calvados dresse un premier bilan de son mandat, revient sur le travail accompli et projette celui à venir.

Calvados magazine : Vous êtes aujourd’hui à la moitié de votre mandat. Pourquoi vouloir « rendre compte » aux Calvadosiens maintenant ?


Jean-Léonce Dupont : « Il me semble normal de rendre compte du travail qui est réalisé par l’assemblée départementale et la collectivité. Nous avons eu un mandat un peu particulier puisque avec un très fort renouvellement de l’assemblée et l’élection de binômes. Il faut savoir que 60 % des conseillers départementaux étaient nouveaux il y a 3 ans.
Nous avons eu une période d’information, de formation, dans laquelle nous avons revisité nos politiques et nous commençons naturellement à avoir un certain nombre d’effets des décisions que nous avons prises. Il me semble donc indispensable, à la moitié de ce mandat, de rendre compte et d’être totalement transparent avec les Calvadosiens. »


CM : Quel regard portez‑vous sur les actions que vous avez menées ces trois premières années ?


JLD : « Nous étions dans un contexte qui n’était pas simple. Je voudrais rappeler que des décisions de l’Etat ont très fortement impacté les collectivités territoriales, en particulier les départements. Les diminutions des dotations de l’Etat n’ont pas créé un environnement facile. On a toujours tendance à penser que l’Etat donne généreusement. Non. Lorsque l’Etat donne, c’est une compensation de recettes qu’avaient les collectivités qui ont été supprimées. Tous les Départements se sont retrouvés dans des situations difficiles. Nous avons fait un énorme travail interne tant au niveau des élus de l’assemblée départementale que de l’ensemble des personnels qui y travaillent. Nous avons mis en mouvement la collectivité et nous nous sommes donc lancés dans une réinterrogation de nos politiques pour trouver des pistes d’économies possibles et voir comment nous pouvions agir encore plus efficacement dans l’intérêt des Calvadosiens.


Nous avons deux orientations extrêmement fortes : la solidarité humaine et la solidarité territoriale. Le niveau départemental, c’est le niveau de proximité et c’est le bon niveau de péréquation. Vu ces exigences, il nous fallait nous interroger.


Si je prends la politique d’aides aux territoires : nous avions 70 dispositifs différents avec une approche de guichet. Nous avons mis tout cela à plat et nous avons voulu entrer dans une dynamique et un dialogue permanent avec les territoires afin d’aboutir à un diagnostic de chacun d’entre eux et arriver à la contractualisation. Nous avons réussi à déterminer ensemble, avec les élus des territoires et le Département, les priorités sur lesquelles on doit collectivement porter nos efforts.


Cela n’a l’air de rien mais c’est un travail énorme. Je suis particulièrement fier d’ailleurs de la mise en place de cette politique qui s’est fait à l’unanimité de l’assemblée. Le travail d’explications, de pédagogie, en amont, a été très important et est en train de porter ses fruits. Nous sommes en train de tisser un lien très fort avec tous les élus du département au travers de ces politiques. Je pense que l’on est entré dans une nouvelle dynamique dans laquelle la collectivité départementale se veut en accompagnement du territoire. C’est un accompagnement qui peut prendre une forme financière et une forme humaine par la mise à disposition des structures d’ingénierie et par la qualité des relations des éventuelles délégations des collectivités vers le Département comme, par exemple, l’immobilier d’entreprise. »


CM : De quoi êtes-vous le plus fier dans le travail accompli jusqu’à maintenant ?


JLD : « Le fait d’inscrire le Département dans son temps, dans la modernité. C’est particulièrement visible avec le collège numérique, la modernisation interne, mais aussi le très haut débit. Ce sujet qui n’est pas encore définitivement bouclé mais sur lequel on a beaucoup travaillé et qui met le département pratiquement en tête de l’ensemble des départements, c’est le déploiement de la fibre optique. Aujourd’hui en pourcentage de la population, en nombre de personnes connectables, nous sommes le 3e département français, après Paris et les Hauts de Seine. Cela ne veut pas dire que c’est facile mais c’est possible. Ce déploiement nous demande beaucoup d’attentions. Nous nous battons, nous travaillons. C’est un combat et une énergie de tous les instants pour que tous les Calvadosiens aient accès à la fibre à l’horizon 2021. Il faut convaincre, rassembler tous les acteurs. Il n’y avait aucun engament hors de l’agglo de Caen et la ville de Lisieux, aucun calendrier, rien de prévu pour le reste du département, d’Orbec à Isigny en passant par Honfleur, Vire, Falaise… Le Département était très attaché à éviter la fracture territoriale qui peut être numérique. Les enjeux sont énormes. Nous savons bien, dans le champ de nos compétences, que le maintien à domicile passera par ces nouvelles technologies, que les scolaires, les collégiens, qui travaillent de plus en plus sur le numérique, ont besoin d’une connexion efficace, que le développement économique ne peut se faire que s’il y a des réseaux performants, que les territoires ont besoin de ces outils et de ces réseaux, les établissements de santé aussi… Il y a un besoin général sur tous les territoires. Ce projet ambitieux comporte trois phases. La première phase déterminait la possibilité de couvrir 70 % de la population. Pour être honnête, les aléas du défrichement de ce dossier font que nous allons prendre 2 à 3 ans de retard sur cette première phase. Mais dans le même temps, alors que les phases 2 et 3 nous amenaient jusqu’aux années 2030, nous avons décidé de mettre le paquet pour faire en sorte que fin 2021, nous ayons réellement la couverture intégrale du Calvados. C’est un grand défi. C’est un sujet de tous les jours sur lequel je m’implique toutes les semaines avec l’appui de notre DGS et du vice-président en charge de ce dossier, Olivier Colin.


J’ai aussi beaucoup de fierté collective parce que nous avons eu une capacité à prendre des décisions difficiles. La facilité, c’est de ne pas prendre de décisions. Nous, nous avons pris des décisions et j’en suis très fier, même si c’est difficile, parce que malgré le contexte auquel j’ai fais référence tout à l’heure, nous sommes en train de dégager des capacités nouvelles d’investissement et de nouvelles marges de manœuvre. Nous sommes l’un des rares départements qui ont le résultat des décisions courageuses qui ont été prises.
Je pense, par exemple, au logement social : nous avions deux entités intéressantes, Calvados Habitat et Logipays, et nous nous interrogions depuis quelques années sur l’utilité de les rapprocher. Ce n’est pas simple juridiquement et en ce qui concerne la gestion des acteurs. Nous avons mis en place très tôt ce projet et son aboutissement arrive au moment où les décisions nationales rendent encore plus pertinent le choix que nous avions initié. Nous allons arriver pratiquement à la maturité totale de ce projet avant même que ne s’applique les conditions du nouvel environnement auquel on va totalement correspondre. Nous démontrons par là même une vraie capacité d’anticipation de l’évolution de l’environnement. Collectivement, l’assemblée départementale a bien travaillé.


Une autre fierté : celle d’avoir introduit dans notre management interne, une mobilité, une modernité assez exceptionnelle. Cela va de la gestion de projets transversale, à la décision de recruter un acheteur avec des objectifs d’économie, la volonté de développer une start-up interne… Nous mettons fortement en mouvement cette collectivité, ce qui se traduit par une facilité de services à la population.


Une autre fierté encore : il y a 3 ans, l’Etat a souhaité la mise en place des Maisons de Services Publics. Le Calvados avait déjà lancé les Points Info 14  depuis plus de 15 ans que nous avons pu faire labelliser Maison de services au public.
Au moment où sur les territoires il y a un recul d’un certain nombre d’administrations, de services publics ou parapublics (fisc, services postaux), nous avons mis en place, ce réseau de 32 Point Info 14 pour faire en sorte que les populations restent connectées et connectables. Notre objectif : qu’il n’y ait pas un habitant du Calvados qui soit à plus de 15 minutes d’un point Info 14. Nous aurons donc un maillage territorial total à l’horizon 2021. Là encore nous avons largement anticipé.
C’est pourquoi, conscient de la qualité du travail que nous réalisons collectivement avec l’ensemble de nos personnels, j’ai, comme un certain nombre de mes collègues présidents de département, une certaine difficulté à accepter qu’un Etat dispendieux nous donne quelques leçons. »


CM : Vous entamez désormais la seconde partie de votre mandat, que reste-t-il à faire, selon vous, dans les trois années à venir ?


JLD : « Je reviens sur la fibre : nous sommes passés à cette ambition très forte de fibrer l’ensemble du Département fin 2021 donc cela va se faire dans les trois prochaines années. C’est un pari audacieux que j’ai la conviction que nous allons réaliser. Cela va beaucoup nous mobiliser. Il va y avoir aussi l’actualisation de nombreux schémas : celui de l’autonomie, avec les personnes âgées et les personnes handicapées, de l’insertion, de l’enfance. Nous avons aussi à développer l’évolution de notre environnement : je pense au vieillissement de la population avec la question de l’habitat, de l’accompagnement des personnes en perte d’autonomie… Nous avons un bras armé, la fusion de Calvados Habitat et Logipays, pour mettre en place les futurs logements correspondants aux besoins de cette population.


Par ailleurs, notre département a des identités et des personnalités territoriales très fortes : Pays d’Auge, Plaine de Caen, sud de la Plaine de Caen, Suisse normande, marais et plages de la liberté, bocage… qui se traduisent par des Espaces Naturels sensibles variés, d’une beauté exceptionnelle. Rendez-vous compte, nous accueillons plus de 400 000 visiteurs par an. C’est l’équivalent de nos grands musées mais il n’y a pas une prise de conscience collective suffisante de l’existence de ces ENS, de leur richesse et de leur diversité à l’échelle du Calvados. Je veux continuer de mettre en valeur les Espaces Naturels Sensibles, de les rendre de plus en plus accessibles aux Calvadosiens et aux visiteurs et de renforcer le maillage de ces ENS sur l’ensemble du territoire.


Nous avons également mis en place un réseau de services publics de proximité, les Points Info 14 (Maison de Services Au Public) avec un maillage territorial total à l’horizon 2021.
Nous avons déterminé pour les cinq ans qui viennent plus de 350 millions d’euros d’aides directes aux territoires ce qui est considérable et ce qui n’est pas permis à tous les territoires. Ces engagements sont sanctuarisés et nous les garantissons à l’ensemble des collectivités. Nous allons aller plus loin. Notre gestion sérieuse nous permet de dégager des capacités d’interventions pour aider d’autres projets novateurs. »


CM : Qu’avez-vous envie de dire aujourd’hui aux Calvadosiens qui comptent sur le Département pour améliorer leur quotidien ?


JLD : « Le Département est la collectivité de proximité qui les accompagne tout au long de la vie même s’ils en n’ont pas toujours conscience : de la naissance avec la PMI, en passant par les difficultés de la vie, le vieillissement, l’éducation avec les collèges, l’aménagement et l’entretien des routes, les loisirs avec des équipements financés par le Département. Nous accompagnons tous les Calvadosiens, tous les jours ! Je voudrais vraiment qu’ils aient bien conscience que notre préoccupation est de leur créer l’environnement le plus favorable. Les Calvadosiens doivent savoir que l’on fait le maximum ! »


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