La vie du Calvados

Désiré Dajon-Lamare a lu son petit carnet

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27 avril 1944, un bombardement s’abat sur Ouistreham-Riva-Bella. Le premier d’une longue série qui va mener au Débarquement et à la Bataille de Normandie.

" J’aime transmettre mon histoire aux jeunes, c’est un engagement "

27 avril 1944, un bombardement s’abat sur Ouistreham-Riva-Bella. Le premier d’une longue série qui va mener au Débarquement et à la Bataille de Normandie. Caché sous une table, un petit garçon effrayé commence à noircir les pages d’un petit carnet pour raconter ce qu’il vit. Désiré a 12 ans et, la peur au ventre, il va pourtant écrire presque tous les jours jusqu’au 19 août, pour témoigner du quotidien de la guerre à Ouistreham : ses amis, son école, ses peurs, les jeux malgré tout, la chasse aux doryphores, les bombardements, les manques.... « Ecrire me rassurait, je crois. C’était un moment particulier pour moi, un refuge. J’en avais vraiment besoin. J’emmenais ma plume et mon encrier et, caché, je notais tout ce qui se passait et ce que j’entendais. Après le premier bombardement, j’ai écrit le nom des 19 personnes qui étaient mortes ce jour-là. Ensuite, j’ai déchiré ces pages car je trouvais ça trop triste ».

Désiré Dajon-Lamare, aujourd’hui âgé de 87 ans, garde toujours sur lui ce petit carnet. Et depuis de longues années, il partage avec les jeunes le récit de cet été terrible. « Ce qui les intéresse le plus, c’est le quotidien, la vie avec les occupants, les cours, les repas. En plus, j’ai gardé de nombreux documents de l’époque et même quelques objets : une trousse avec les crayons d’antan, des tickets de rationnement, des lettres ». Comme la lettre de cette petite fille dont le papa, soldat britannique, avait été blessé à Ouistreham et dont la famille de Désiré s’est occupée jusqu’à sa guérison.


Quelques semaines avant les cérémonies du 75e anniversaire du Débarquement, Désiré est venu présenter son célèbre carnet à des élèves de CM1 et CM2 de Villeneuve d’Ascq, en classe découverte au centre d’hébergement Les Marines à Ouistreham. Au fil des anecdotes, il a expliqué la vie d’un enfant de 12 ans pendant la Seconde Guerre mondiale.

Il a lu des passages marquants de son récit, montré des photos et certains objets. « Je suis souvent debout, je me déplace, pour donner vie au récit et je raconte des anecdotes ». En retour, les jeunes, subjugués par ce qu’ils ont entendu, ont posé mille questions. Patiemment, Désiré a répondu à tout le monde. « Mon témoignage auprès des enfants est un devoir de mémoire, un acte pour la paix. Pour que nos enfants et petits-enfants ne vivent plus jamais ça. C’est un engagement ».

C’est Fabienne Lepercq, institutrice à Villeneuve d’Ascq, qui a initié ce projet et préparé la rencontre. « J’ai travaillé avec les élèves sur cette période car le village d’Ascq a connu un massacre en avril 44. Il me paraissait important d’en parler pour faire connaître cette histoire. 86 civils ont été fusillés en représailles à l’attaque d’un convoi militaire allemand. Nous avons rédigé un livre sur le sujet en classe. Continuer en venant ici parler avec Désiré était intéressant ».

Bruno Guyvarc’h, directeur du centre Les Marines, a accueilli à Ouistreham le groupe d’élèves comme il le fait souvent et mis en relation Fabienne Lepercq avec Désiré. « Nous recevons souvent Désiré qui vient à la rencontre des jeunes pour parler de son vécu pendant la guerre. Il a le contact facile et les enfants adorent parler avec lui ».

La guerre racontée par Désiré, c’était comment ?

Hugo, 10 ans, trouve Désiré courageux de raconter son histoire devant les jeunes encore aujourd’hui. « Avec ce qu’il a vécu, ça ne doit pas être facile. Mais pour nous c’est important de l’écouter et de comprendre que c’est vraiment arrivé. Sur les réseaux sociaux, il y a des gens qui disent que ce n’est pas vrai, alors le voir raconter son histoire, c’est une preuve. Et puis, quand je serai grand, je raconterai son histoire à mes enfants. C’est important de transmettre ».

Lola, 11 ans, a été très impressionnée par la description des bombardements faite par Désiré. « Il avait presque mon âge et je me rends compte que c’était vraiment difficile. Il a dû avoir très peur. J’ai appris beaucoup de choses sur son quotidien pendant la guerre : comment il allait à l’école, la vie avec les Allemands, comment il devait se protéger quand les obus tombaient ».

Hippolyte, 10 ans, passionné d’histoire, s’est beaucoup documenté sur la Seconde Guerre mondiale. « Avec Fabienne, notre institutrice, nous avons travaillé sur cette période et entendre Désiré nous raconter ce qu’il a vécu, c’était extraordinaire. J’ai pu découvrir ce qu’il ressentait, comprendre sa vie, l’école, ses copains. Son témoignage est important pour nous mais aussi pour plus tard, pour ne jamais oublier ».