Une femme particulièrement
attachante, notamment
dans sa volonté de
transmettre, mais surtout
indissociable de la mémoire
résistante calvadosienne. Son
parcours fait d’elle une figure
féminine du combat qu’ont
livré les Résistants contre
l’occupant et le nazisme durant
la Seconde Guerre mondiale.
Gisèle Guillemot est de ces
femmes dont la conviction,
la détermination et le courage
font de la vie un défi à toute
épreuve, notamment lorsqu’elle
doit faire face à l’horreur de
la déportation. C’est dans le
Calvados, à Mondeville, que naît
Gisèle Guillemot, le 24 février
1922. Elle grandit dans la cité
ouvrière du plateau de l’usine
métallurgique, la SMN, où son
beau-père est alors comptable.
Très vite, la personnalité de
la jeune fille s’affirme. Le
fonctionnement paternaliste et
hiérarchique de la SMN mais
aussi ses inégalités sociales font
résonner en elle une envie de
rébellion. Gisèle est renvoyée de
l’école du Plateau qui appartient
alors à l’usine. Qu’importe. La
jeune fille poursuit sa scolarité à
l’école primaire et complémentaire
de Colombelles. Un changement
qui se révèle bénéfique. Le couple
d’instituteurs qui y enseigne,
inspiré de la pédagogie Freinet,
développe son esprit critique et
sa passion pour la littérature,
la poésie, l’écriture…
Résister, une évidence
Très vite, la conscience politique
de Gisèle se forme. En 1936 –
elle n’a alors que 14 ans – elle
participe aux mouvements
sociaux qui agitent le Plateau.
Dès l’été 1940, elle mène des
petites actions de résistance
avec un groupe d’amis de la cité
ouvrière. Arrêtés, quatre d’entre
eux seront tués ou fusillés et ne survivront pas à la guerre. Gisèle ne les
oubliera d’ailleurs pas et inaugurera en
juin 1995, sur le Plateau de Colombelles,
une plaque en leur mémoire avec Carlo
Scola, seul survivant du groupe avec elle.
Pour autant, cet épisode meurtrier
n’affaiblit pas la volonté de la jeune
résistante qui adhère au Parti
Communiste et poursuit son action
au sein du Front national (mouvement
de résistance communiste). Sous le
pseudonyme d’Annick, elle devient agent
de liaison au sein du réseau Centurie.
Elle transmet des tracts, des messages,
transporte des armes, tout cela en
cachette de sa mère. Mais son réseau est
démantelé suite à la dénonciation d’un
membre qui craque en prison. Gisèle est
arrêtée par la Gestapo le 9 avril 1943, en
même temps que ses camarades.
Déportée
Les jeunes résistants sont emprisonnés
à Caen avant d’être transférés à Fresnes.
Les 14 hommes sont fusillés au Mont-
Valérien. Les deux femmes, Gisèle et
Edmone Robert (institutrice à Saint-Aubin-
sur-Algot) sont condamnées à mort puis
finalement classées « Nacht und Nebel »*
et déportées en Allemagne après 89 jours
de voyage en train. Gisèle est transférée
à Cottbus puis au camp de Ravensbrück
en novembre 1944 et enfin à Mauthausen
au début de l’année 1945. Elle est libérée
le 20 (peut-être le 25) avril 1945. Edmone
Robert meurt lors du voyage de retour des
camps.
Vivre pour raconter
De sa déportation, Gisèle revient avec
de nombreux poèmes dont un, dédié à
sa mère, écrit en juillet 1943 alors qu’elle
est à Fresnes. Elle sait que rien ne sera
plus jamais comme avant et il lui est
désormais impossible de retourner vivre
à Mondeville et de reprendre une vie
quotidienne dans les lieux de sa jeunesse,
là où sont décédés ses amis. Gisèle
décide alors de quitter la région pour vivre
à Paris où elle s’installe définitivement.
Elle prend ses distances avec le PCF,
puis le quitte mais reste fidèle à son
engagement humaniste et aux valeurs
de la Résistance. Elle oeuvre d’abord
au sein de la Fédération Nationale des
déportés et Résistants Patriotes. À
partir des années 1980, révulsée par la
montée du négationnisme et du racisme,
elle se consacre à la transmission
et au témoignage auprès des jeunes
générations. Elle publie plusieurs livres et
écrit de nombreux articles. Commandeur
de la Légion d’Honneur, Gisèle Guillemot
s’éteint en février 2013.
Personnalité locale
L’engagement et l’action résistante de
Gisèle Guillemot sont indissociables
de l’histoire du Plateau de Mondeville-
Colombelles. Elle y est revenue
régulièrement pour témoigner, par le
biais notamment de rencontres avec
les scolaires, mais aussi pour travailler
avec les Archives départementales. Elle
a été faite citoyenne d’Honneur de la
ville de Colombelles en 2002. Une salle
de documentation portant son nom a
été inaugurée au collège Henri Sellier de
Colombelles en 2003.
Cet article a été réalisé avec l’aide des Archives
départementales du Calvados.
* « Nuit et brouillard » en allemand. Nom
de code des « directives sur la poursuite
pour infractions contre le Reich ou contre
les forces d’occupation dans les territoires
occupés ». Un décret rendait possible le
transfert de toutes les personnes représentant
« un danger pour la sécurité de l’armée
allemande » en Allemagne et, à terme, dans
un secret absolu, de les faire disparaître.
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Bibliographie